Editos
Dans bien des cas, les petites entreprises sont au départ l’œuvre d’un homme ou d’une femme qui sur une idée originale ou par un concours de circonstances a démarré une aventure entrepreneuriale.
Au fil des ans, la société au départ quasi individuelle est devenue une organisation profitable plus ou moins structurée et affiche une taille significative. Si les titres n’ont pas changé de mains, lorsqu’une telle société se trouve à la cession, on se rend vite compte du poids du dirigeant et ceci à plusieurs titres :
- C’est la tête pensante de l’entreprise qui oriente la stratégie, le développement, la base technique, la typologie de clientèle, …
- C’est souvent encore une cheville ouvrière incontournable voire indispensable car il demeure la plupart du temps le seul expert dans un champ de compétences, et celui qui, consciemment ou non, garde un domaine de prédilection qui renforce sa légitimité.
- C’est celui qui, aux multiples « domaines réservés », n’a jamais jugé bon de s’entourer d’un bras droit, car trop lent, trop peu investi, trop cher…
- C’est enfin celui qui sous forme de rémunération ou de dividendes prélève le plus l’entreprise en contrepartie de son investissement total.
Comment apprécier la valeur d’une telle société où les chiffres sont parfois excellents voire exceptionnels ? Le retraitement de la rémunération du dirigeant vers une valeur normative est-il suffisant pour dresser une image fidèle de la situation ? Nous avons plusieurs sujets à valider.
- Questionner la pertinence financière de la valorisation : Le seul retraitement de la rémunération du dirigeant peut conduire mathématiquement à une valeur très élevée car le résultat retraité reste lui-même élevé. Est-ce pour autant juste ? oui. Est-ce raisonnable ? non.
Que vaut en effet une entreprise sans sa source d’énergie première, sans celui sans lequel rien ne serait possible ? - Pérenniser la gestion opérationnelle : Le dirigeant historique aux multiples compétences et à l’emploi de temps de plus de 50 heures par semaine peut-il être raisonnablement remplacé par une seule personne ? La réponse est souvent négative, ce qui implique de tenir compte d’un complément de personnel au moment du calcul de la valorisation.
Les discussions peuvent devenir compliquées entre acheteur et vendeur si l’on s’en tient aux pratiques usuelles de calcul de valorisation. Le cédant peut se sentir naturellement floué et personnellement dévalorisé si la valeur de son entreprise lui paraît sous-évaluée. Pour sortir de cette impasse, il faut changer de paradigme et considérer que la valeur (ajoutée) de l’ancien dirigeant (donc son coût) est bien supérieure à celle d’un dirigeant normatif. C’est d’ailleurs corroboré par les revenus très élevés qu’il pouvait à juste titre tirer de son activité professionnelle. Cela implique en conséquence que l’entreprise qui est vendue, donc sans lui, vaut moins que ce qu’il n’y paraît à première vue.
Si un dirigeant décide d’accomplir lui-même une charge de travail énorme, c’est son choix, il maximise ainsi son profit et c’est juste qu’il se rémunère à un niveau très élevé.
Au moment de la cession, il faudra penser à s’interroger sur les méthodes traditionnelles de valorisation pour en valider la pertinence : Le cédant doit comprendre que la société vendue est ce corps social qui demeure quand lui-même ne sera plus là.
Thierry POUROT
Associé Gérant
CABINET RICHEMONT
Rapprochement & transmission d’entreprises